PHOTO

Une photo, une seule sur le mur du fond de la pièce: 3mètres sur 4.

Ferme les yeux, visualise:

Une étendue de neige, un champ de neige.

Il semble planté:
ce sont des bouts de chanvre en érection.
A l’avant plan de la photo:
des boules de neige de la grosseur de melons.
Elles sont sanglées de cette ficelle de chanvre,
comme pourrait l’être un ballon de basket.
En fait, le champs de neige est parsemé de ces boules de neige harnachées.
Au loin, une silhouette.
Ce pourrait être un paysan mongolien,
pauvrement revêtu d habits superposes pour vaincre le froid;
il est de dos, les épaules courbées.
Dans chaque main, grâce aux bouts de ficelle,
il transporte plusieurs boules de neige…
Pourquoi?
Où va t il?
Que va t il faire de ces boules de neige?
Est ce un ingénieux système de transport de neige qui ne glace pas les mains?
Est ce un travail?
Est ce un vrai travail?
Est ce une photo documentaire?
Est ce une mise en scène sortie tout droit de l’imaginaire du photographe?

LUC

J’ai appris sa mort par un sms bien intentionné,

j’ai acté,

intellectuellement.

On m’a proposé d’assister à ses funérailles,

j’ai décliné.

On m’a proposé de signer une carte pour la famille,

je me suis débinée.

Quand je marche dans son quartier,

je pense à lui.

J’ai toujours fait cela,

lever les yeux vers son balcon.

Mais maintenant, même hors « ses lieux »,

il m’arrive de penser à lui,

comme ça,

pour rien.

Me manque t’il?

 

Fil

Sur le fil de…

La machine s’emballe :

points de croix avant Pacques

points droit pour aller au but

points zig zag pour ourler la nuit

points bourdon pour sieste ronchon

points de boutonnière pour s’attacher

points arrière pour y croire encore

points virgule pour une pause

points de suspension pour une respiration

points feston pour le bavoir

points d’exclamation pour se resentir

points d’interrogation?

Mais elle est déréglée cette machine à coudre!

danse

Miséricorde.

Des profondeurs de mes entrailles

toutes les misères de la terre

hurlent mes archaïques peurs

que toi, tu accompagnas.

Miséricorde.

Le guerrier du Val, librement inspiré du dormeur du Val d’Arthur Rimbaud.

Il est féroce

C’est un guerrier

Dur comme pierre

Incisif comme le schiste

Érigé comme un rocher

Sombre est son ombre

Noir son armure

Guerre de cent an

Carapacé de glaise

Peau de  crocodile

Sans se découvrir d’un file

 

Il est féroce

C’est un guerrier

Homme violant

L’époque impose

Père brutal

Ne pas s’attacher

La mort partout

Homme de son temps

Sans sentiment

Nourri-survivre-protéger

Il est féroce

C’est un guerrier

 

Homme  féroce

Il s’est couché

Tout son long

Sur le côté

Chaîne de montagnes

A mes pieds

 

Dort mon féroce

Dort mon guerrier

De férocité plus n’est besoin

Merci d’avoir veillé

Dans cette époque tourmentée

De ton glaive tu m’as protégée

 

Dort mon féroce, dort mon guerrier

Besoins primaires sont rencontrés

Dort mon féroce, dort mon guerrier

Plus besoin de veiller

Dort mon féroce, dort mon guerrier

Place à l’altérité

Je m’éloigne sur la pointe des pieds

Ou alors vais je te veiller?

J’espère ne pas te réveiller

Pour l’éternité

Sois apaisé

Dort mon féroce

Dort mon aimé.